Commande

« Il y a quelque temps la communauté de communes du secteur de Derval a passé commande à La Paperie d’un projet de résidence d’éducation artistique et culturelle. 

La Paperie est un laboratoire du quotidien. Notre porte d’entrée est territoriale. Nous questionnons, interrogeons, recherchons à l’endroit du contexte des territoires et de ceux qui y vivent jusqu’à ce qu’une idée émerge. Alors nous chaussons nos godillots, sortons les vélos dans les chemins, surfons sur le web et creusons la pensée des habitants pour trouver un fil, une pensée, une idée.

L’idée fut celle de l’itinérance. L’itinérance des bouchers, boulangers, poissonniers ambulants de mon enfance. Je me rappelle mes vacances chez ma grand-mère. Je me rappelle le bruit du klaxon de l’ambulant qui arrive. Je me rappelle ma grand-mère, le portefeuille en cuir sur la poitrine se dirigeant fièrement de son petit pas ferme accompagné du lardon que j’étais. Je me rappelle ces temps de partage avec le commerçant, les habitants.

C’est l’idée que nous avons proposée. Restait la question de l’artiste et aussi de ce que nous allions vendre. 

Sur les projets de territoire, nous questionnons systématiquement la mise en récit. Nous imaginions donc un auteur ou un conteur, quelqu’un qui fasse lien, ainsi qu’un plasticien pour mettre en image ce ou ces récits.

C’est à ce moment que l’idée de proposer le projet à Caroline Melon est arrivé. Son parcours à Chahuts s’achevait bientôt. Elle était en train de monter sa structure : De chair et d’os. Nous nous connaissions au travers de nos expériences, nous appréciant et nous sentant proches dans la conception et la réalisation de ces projets qui placent l’humanité et le contexte au cœur. 

Elle accepta, écrivit le projet, s’entoura d’une équipe.

Et une histoire d’artistes commença ; une auteure, un scénographe et une designeur culinaire. Et ensemble ils inventèrent un mythe :

« Il était une fois un pain d’ici, un pain du secteur de Derval, un pain inventé par les habitants d’ici. Un pain qui raconte qui on est ici. Pas ostentatoire, pas racoleur, un pain qui dit ce que nous sommes et comment la société des hommes peut être belle quand elle crée du lien, quand elle chérit son voisin et se raconte entre copains. »

La Tournée était née. Il restait à imaginer l’objet de la tournée. Ce fut une caravane rouge réaménagée, notre logo et symbole d’itinérance et de nomadisme. 

Le choix a été de décliner La Tournée sur l’ensemble de l’année scolaire, la première semaine de chaque mois et de mélanger les temps d’atelier avec les scolaires au temps d’itinérance de la vente du pain du territoire. L’un nourrissant l’autre et vice-versa…

Un temps de restitution existera, c’est sûr. Ce qu’il sera ? Nous n’en savons rien aujourd’hui. Il se nourrira de nos rencontres avec les habitants, de nos passages dans les 7 communes du secteur de Derval. L’histoire reste à écrire et c’est le territoire et les gens qui y vivent qui l’écriront. Ça, c’est sûr… »

 

Éric Aubry, directeur de la Paperie

16 janvier 2017 (texte écrit à la fin du premier tiers du projet)