Phase de création

Écrire un récit, socle de ce que l’on va déployer ensuite.

 

Le pain,

    

Parce que tout le monde mange du pain,

Parce que tout le monde a des histoires de pain autour de la table,

Parce que ces histoires vont de l’anecdote (à table, mon frère ne fait que manger du pain au lieu de manger son assiette) à des micro-histoires qui racontent aussi un patrimoine (comment faisait-on le pain autrefois), et donc un lien intergénérationnel potentiel fort.

Parce que le pain est un symbole très puissant de ce que l’on partage (compagnon = celui avec qui on partage le pain),

Parce que la langue française regorge d’expressions quotidiennes sur le pain,

Parce que dans cette région où la religion chrétienne est encore très vivante, le pain a cette résonance puissante,

Parce que les contes et les légendes fourmillent d’histoires de pain ou de farine (Petit Poucet, Chaperon Rouge, Roule-Galette, la Petite poule rouge...)

Parce que la symbolique du pain est joyeuse et simple,

Parce que le boulanger fait partie des commerces de proximité les plus importants dans le service qu’il fournit, mais aussi dans le lien social au sein de son commerce,

Qu’il est un repère fort dans la vie des communes,

Que chez lui on trouve aussi des douceurs pour tous les âges, et qu’aller chercher le pain tout seul, par exemple, fait partie des étapes qui comptent,

Et surtout parce que tout le monde, absolument tout le monde, a quelque chose à dire à propos du pain qu’il aime, de comment il le mange, d’où il va l’acheter.

Et que partir d’une discussion sur le pain, cette chose d’un usage simple et quotidien, n’effraie personne et laisse le choix à chacun de poursuivre la discussion et de s’engager sur un terrain plus personnel, ou de s’en tenir à ces échanges de bons-vivants, d’humains qui partagent un sol comme une nourriture.

 

 

Inventer le dispositif autour

   

Remonter une boulangerie itinérante, de celles qui klaxonnent dans les villages, qui amènent le pain à tous ceux qui ne peuvent plus se déplacer.

Faire des recherches sur les commerces ambulants du monde, et ceux du passé. Écouter des émissions, regarder des reportages sur les fonctions et les usages des commerces itinérants aujourd’hui.

Commencer à questionner l’entourage, les amis, n’importe qui, sur le pain, les commerces itinérants, tester la validité du propos.

Penser l’objet de l’itinérance (Food-truck ? Caravane ? Camping-car?) et les caractéristiques qu’il devra rassembler, et ce qu’il devra surtout ne pas être (= un objet d’art contemporain intouchable, une parodie cynique de caravane à la Striptease, un véhicule hipster et vintage au design scandinave léché, une relecture de food-truck qui pourrait faire croire à une véracité quelconque, etc).

Écrire des protocoles de collecte de parole autour du pain, et les manières de les transmettre, pour que les écoles et autres groupes constitués puissent s’en saisir de manière autonome.

Chercher ce qui va amener de l’art mine de rien, du pas de côté, du poétique, du qui questionne : ce pain doit être un peu différent, il doit inviter boulangers et acheteurs à quelque chose d’autre.

Penser le projet dans le temps, l’asseoir dans un processus évolutif, accorder la dynamique et le calendrier : périodes de résidence préalable pour la création, mise en place du dispositif, rythme des tournées, les récurrences, les ruptures.

Trouver un titre au projet.

 

Répertorier le type de compétences et d’outils nécessaires.

Chercher avec qui travailler pour donner une personnalité particulière à ce pain : un.e plasticien.ne ? Un.e grand.e chef culinaire ?

 

Apprendre qu’il y a précisément un métier qui rassemble ces missions : designer culinaire. Se mettre en quête de la bonne personne, et la trouver : Julie Rothhahn, à l’épatant book à voir ici www.juliehhh.com

Ne pas chercher longtemps pour savoir qui scénographiera la caravane et sera le complice global du projet : Jonathan Macias, déjà scénographe du Monde de demain et de la Voiture qui tombe, parce qu’il y a des alliances magiques qu’il n’est pas besoin d’expliquer.

Ne pas chercher non plus qui mènera le travail de lien avec le territoire, d’une part puisqu’ils sont déjà les commanditaires, mais surtout (et c’est l’essentiel), parce que leur travail est d’une qualité, d’une pertinence, d’une efficacité et d’une finesse rare : l’équipe de la Paperie, compagnons certes évidents sur le papier, mais aussi dans la réalité, ceux avec qui nous allons partager ce pain et tout ce qu’il y a avant et après pour qu’il existe, circule, provoque de la parole et de l’échange.

Penser des modes de restitution de la collecte de parole, et concevoir un emballage pour le pain qui chaque mois sera imprimé avec les dessins et récits de la collecte.

Pour chacun.e des trois intervenants (Julie Rothhahn, Jonathan Macias, Caroline Melon), écrire un atelier à destination d’une tranche d’âge définie au préalable.

Julie : atelier cuir de fruits avec des maternelles.

Jonathan : ateliers « interroger le territoire » pour des CM et « on fait quoi aujourd’hui » pour les lycéens.

Caroline : ateliers « herbier » pour des CM et « carnet de bord » pour des collégiens.

Faire appel à un graphiste, Franck Tallon, et son équipe, pour imaginer le visuel de l’aventure.

 

Laisser une part de non-su, d'inconnu.

Décider de ce qui est ferme, ce qui constitue le socle du projet sans lequel celui-ci ne peut exister, et de ce qui peut bouger.

 

Partir voir comment la réalité répond au dispositif inventé, et se remettre à l'écoute.

Repérage : 19 et 20 octobre 2016

Résidences : du 22 au 25 et du 28 au 30 novembre 2016, 3,4 et 6 janvier 2017

 

Repérage : 19 et 20 octobre 2016 - Jonathan Macias & Caroline Melon.

Rencontre de la Communauté de communes, de l’équipe de la Paperie, de personnes-clefs, visite des communes, achat et dégustations des pains et gâteaux des boulangeries du territoire, échanges au débotté dans les cafés, balades, imprégnation, nez au vent, cerveau qui fume, discussions jusqu’à pas d’heure, idées qui s’évanouissent, idées qui s’enracinent, doux remous de la création, estran recouvert puis vide puis recouvert…

Les jours suivants : décantation et confiance au mouvement indépendant de qui reste et ce qu’on oublie.

 

 

Résidence : 22 au 25 novembre 2016 - Jonathan Macias & Caroline Melon.

Travail sur la scénographie de la caravane, rencontres des acteurs du territoire (Maison de la Ruralité : fabrication de la vannerie et des objets laine et crochet), rencontres des boulangers, rencontre des enseignant.e.s accueillant des ateliers.

On tire des fils, on s’endort en en parlant, on se réveille avec de nouvelles idées, on essaie de ne pas en avoir trop et de suivre notre fil, on angoisse pour tout et rien mais ça va aller, ça va aller (mantra), on se réjouit des rencontres avec les humains curieux et ouverts au partage.

On passe une nuit dans le fournil de Florian à vivre avec nos corps, en entier immergés, mouvement, odeurs, toucher, un morceau de sa réalité. 

      

Résidence : 28 au 30 novembre 2016 - Caroline Melon & Julie Rothhahn

Résumé pour Julie des épisodes précédents, rencontres avec les boulangers, réflexion autour du pain avec eux, tentatives, premiers prototypes.

Petit matin chez Joël, paysan-boulanger, à pétrir la pâte et les idées dans la chaleur du feu de bois.

Julie dessine un pain traversé d’un long fil rouge, comme le fil des histoires, celles qui relie les terres et les gens.

Jean-Yves, agriculteur bio du territoire et frère de Joël, fournira la farine pour ce pain qui sera vraiment d’ici, circuit court et richesse du champ qu’on connaît. Tous les boulangers acceptent de travailler avec ce matériau.

Aller plus loin : le fil de la pelote que l’on tire

Entre temps, rentrer dans nos pénates, laisser décanter, ré-ajuster, abandonner des idées parce que la réalité y résiste, en faire émerger d’autres, les passer au microscope, sélectionner les souches valides, remplir des cahiers de notes, de griffonnage, de ratures, de croquis.

Lancer des carnets de bord :

* un pour la caravane, entre le livre d’or et les petites annonces de Libé où chacun peut écrire un mot pour son ami de la commune voisine, pour qu’il vienne le chercher à la Tournée suivante.

* un autre plus intime, tenu par les membres de la Tournée, rempli chaque soir avec un protocole très précis mais plus ou moins bien suivi.

Alimenter le blog.

 

Résidences : 3, 4 et 6 janvier 2017 - Jonathan Macias & Julie Rothhahn.

Les personnes de la Maison de la Ruralité ont travaillé pour la caravane : vannerie pour les paniers où seront disposés les pains, tricot et crochet en déco : Jonathan finalise la bête.

Julie réunit les boulangers, chacun montre ses essais et dévoile la forme du pain qu’il a travaillé… C’est parti !

Ce long descriptif ne fait pas état de tous les aller-retours du projet, des collaborations évoquées que l’on n’a pas concrétisé (merci au passage à Camille Florent d’avoir bien voulu se pencher sur les plans d’une hypothétique caravane à construire !), des ornières et erreurs dans lesquelles on est tombées, des idées géniales qu’on a du abandonner (la course en voilier pour relier les communes, le trekking à piolets et crampons sur les flancs escarpés du territoire, la rando à dos de chameau - trop d’humidité pour les bêtes...)